
Issu de l’article original « Investissement locatif, une stratégie fiscale à redéfinir »de l’AGEFI, publié le 11 juillet 2025 par Souheil Yansi.
Entre la location meublée non professionnelle et la société civile immobilière à l’IS, la réintégration des amortissements change la donne.
La réintégration des amortissements dans le calcul des plus-values immobilières, introduite par la loi de finance 2025, redistribue les cartes en matière d’investissement locatif. Entre la location meublée non professionnelle (LMNP) au réel et la société civile immobilière (SCI) à l’impôt sur les sociétés (IS), une analyse comparative s’impose afin d’optimiser la fiscalité patrimoniale sur le long terme, le tout étayé par un cas concret.
Nouvelle donne fiscale pour les investisseurs
L’immobilier locatif a longtemps bénéficié d’un avantage fiscal non négligeable : la possibilité d’amortir comptablement le bien, réduisant ainsi l’impôt sur les loyers sans impact sur la fiscalité à la revente, du moins dans certains régimes. Ce mécanisme, particulièrement prisé dans le statut de louer meublé non professionnel (LMNP), était perçu comme une martingale fiscale. Cependant, la nouvelle loi des finances est venue modifier cette logique. Désormais, en cas de cession, les amortissements pratiqués doivent être réintégrés pour déterminer le prix d’acquisition fiscal, ce qui augmente mécaniquement la plus-value imposable. Concrètement, cela signifie que les amortissements viennent diminuer le prix d’acquisition fiscal retenu pour calculer la plus-value, ce qui augmente artificiellement le gain imposable au moment de la revente.
Cette évolution peut remettre en question la pertinence du LMNP face à la SCI à l’IS, autre option d’optimisation fiscale historiquement appréciée. Faut-il dès lors privilégier l’un ou l’autre ? Quels sont les avantages, les inconvénients et les impacts concrets ?
LMNP au réel : une efficacité en baisse ?
Le régime LMNP au réel permet à l’investisseur de déduire l’ensemble des charges et d’amortir le bien (hors terrain), générant souvent un résultat fiscal nul ou faiblement imposé. À court et moyen terme, cette mécanique permet de percevoir des revenus locatifs nets d’impôt.
Ce résultat fiscal nul s’explique par la possibilité de compenser intégralement les loyers perçus par des charges déductibles (intérêts d’emprunt, travaux, frais de notaire, charges courantes) et par des amortissements comptables pratiqués sur le bien immobilier et le mobilier. Tant que ces déductions égalent ou dépassent les revenus locatifs, le bénéfice fiscal est neutralisé, ce qui permet d’éviter tout impôt sur les loyers tout en continuant à générer de la trésorerie positive. Cette configuration est fréquente au début de l’investissement, notamment lorsqu’il y a eu des travaux importants ou un financement par emprunt.
Toutefois, à la revente, la donne change. Si des amortissements ont été pratiqués, ils doivent être réintégrés pour déterminer le prix d’acquisition dans le calcul de la plus-value. Cette réintégration réduit mécaniquement le prix d’achat fiscal et augmente la base imposable. Autrement dit, l’économie d’impôt à l’entrée se transforme en impôt différé à la sortie.
Dans les zones où l’immobilier ne prend pas de valeur, le mécanisme de réintégration des amortissements en cas de cession peut s’avérer pénalisant. En effet, même en l’absence de véritable gain à la revente, l’investisseur se voit imposé sur une plus-value purement comptable, liée à la déduction des amortissements pratiqués durant la détention.
C’est pourquoi il est crucial de cibler des zones où la valeur immobilière a tendance à s’apprécier dans le temps, afin de sécuriser une plus-value réelle et justifier l’optimisation fiscale obtenue pendant la phase locative.
SCI à l’IS : amortir, différer et capitaliser
La SCI à l’IS repose sur des règles comptables similaires à celles des entreprises. Tout comme dans le LMNP, les amortissements permettent de réduire la base imposable des loyers. Dans un montage classique avec financement bancaire et charges déductibles, le résultat fiscal peut être quasi nul pendant dix à quinze ans, rendant l’impôt sur les loyers inexistant durant la phase de détention.
À la revente, la SCI à l’IS est soumise au régime de la plus-value professionnelle. Celle-ci correspond à la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable (VNC) du bien. Cette plus-value est imposée au taux de l’IS. En cas de distribution des bénéfices aux associés, une seconde couche de fiscalité s’applique sous la forme du prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %.
Contrairement au régime des particuliers, qui bénéficie d’un abattement progressif en fonction de la durée de détention, le régime à l’IS ne prévoit aucun allègement dans le temps : la fiscalité reste pleine, quelle que soit la durée de conservation du bien.
Avantage : une capitalisation des résultats tant qu’ils ne sont pas distribués, un levier de réinvestissement puissant, et une souplesse importante en matière de transmission.
Cas pratique comparatif : LMNP au réel – SCI à l’IS (sur 10 ans)
Hypothèses de départ :
- Budget total d’acquisition : 300 000€
- Notaire : 16 000€
- Travaux : 50 000€
- Meubles : 10 000€
- Frais divers : 24 000€
- Financement : 90% crédit amortissable sur 20 ans à 3%
- Loyers annuels : 15 000€
- Revalorisation des loyers : 1.5% par an
- Appréciation du bien immobilier : 2.5% par an
- Charges annuelles (hors amortissement) : 3 000€
- Amortissement annuel pratiqué : 9 000€
- TMI de l’investisseur : 30%
- Taux d’IS : 25%
- Fiscalité sur dividendes : PFU ou flat tax 30%*
Le tableau ci-dessus compare les deux régimes sur des hypothèses identiques, en prenant en compte les flux locatifs, la fiscalité en phase de détention et à la revente, sur des horizons de 10 à 20 ans.
Le LMNP reste pertinent dans certains montages
Il convient toutefois de relativiser l’impact fiscal de la réintégration des amortissements dans le régime LMNP. En particulier, dans les projets d’investissement dans l’ancien avec travaux, il est souvent possible e neutraliser l’effet d’amortissement pendant plusieurs années, grâce à :
– des intérêts d’emprunt élevés en début de prêt ;
– Des travaux de rénovation immédiatement déductibles ;
– les frais de notaire et autres frais d’acquisition ;
– l’achat du mobilier pour le meublé ;
– diverses charges d’exploitation.
Dans ce type de montage, le bénéfice fiscal est nul pendant plusieurs années, et l’amortissement n’entre en jeu que plus tard. Ce différé réduit fortement la base de réintégration au moment de la revente.
Ainsi, le LMNP conserve toute sa pertinence pour des opérations actives et optimisées, notamment lorsqu’il s’agit de valoriser un bien sous-coté ou à fort potentiel, avec une stratégie de détention moyenne ou longue.
Un autre avantage clé du régime LMNP est l’abattement progressif pour durée de détention sur la plus-value immobilière, qui débute dès la 6ᵉ année. Cet abattement réduit progressivement l’imposition, permettant d’alléger significativement la fiscalité à la revente à mesure que les années passent.
La réforme du traitement des amortissements à la revente oblige les investisseurs et leurs conseillers à reconsidérer les modèles classiques d’investissement locatif. Le LMNP, longtemps favorisé pour sa simplicité et sa fiscalité avantageuse, perd en attrait dans une logique de revente programmée… sauf s’il est utilisé intelligemment dans le cadre de biens à forte charge initale.
La SCI à l’IS, bien que plus contraignante sur le plan administratif, offre une meilleure performance fiscale à court ou moyen terme si l’objectif est le réinvestissement. Ce véhicule d’investissement continue aussi d’offrir une visibilité fiscale à long terme, notamment en matière de capitalisation ou de transmission.
Chaque situation doit faire l’objet d’une analyse personnalisée, intégrant :
la durée de détention prévue,
le mode de financement,
les objectifs successoraux,
et le taux marginal d’imposition de l’investisseur.
L’investissement immobilier se professionnalise, sous l’effet d’un environnement juridique et fiscal devenu particulièrement technique. Naviguer dans cet ensemble de règles nécessite une approche rigoureuse, souvent accompagnée par des professionnels aguerris.
Il n’existe pas de solution universelle : chaque projet doit être analysé au cas par cas, en fonction des objectifs patrimoniaux, de la durée de détention envisagée, du mode de financement et de la stratégie de sortie.
La fiscalité n’est qu’un outil au service d’un projet globalement structuré.
Article reproduit de l’AGEFI publié le 11/07/2025 – Lien de l’article original réservé aux abonnés : https://www.agefi.fr/patrimoine/juridique/investissement-locatif-une-strategie-fiscale-a-redefinir
Article rédigé par Souheil Yansi.